Introduit initialement au terme du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale les parlementaires avaient en définitive supprimé la modification de la définition de l'abus de droit fiscal prévu par l'article 64 du Livre de procédure fiscal (« Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. (...) »).
Il était en effet envisagé de caractériser un acte abusif comme un acte poursuivant un motif essentiellement fiscal.
L'article 60 nonies (Nouveau) du projet de loi de finances pour 2014 réintroduit le motif essentiellement fiscal en ces termes : les mots : « n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui » sont remplacés par les mots : « ont pour motif principal ».
Le but exclusivement emportait déjà jusqu'à présent de nombreuses interrogations, incertitudes et interprétations divergentes entre les contribuables et l'administration, alors même que la question était simplement une question de fait : le but fiscal était-il exclusif ou non ?
Désormais la question deviendra pure appréciation de fait, donc discutable comme le souligne Bernard Cazeneuve, le Ministre délégué au Budget. Comment l'administration appréciera concrètement le but essentiellement fiscal et comment pourra elle comparer un élément chiffré d'un côté (l'économie d'impôt réalisée) et un élément non quantifiable pécuniairement (par exemple, la protection d'un enfant ou du conjoint, la préservation d'une entité économique, l'harmonie des rapports familiaux...) ?
L'instabilité et l'insécurité fiscale de ces dernières années (due notamment à une inflation normative hors norme et anarchique qui a notamment pour conséquence de scléroser les choix des contribuables), sera d'autant plus grande que les moindres schémas d'optimisations pourront être aisément remis en question. L'administration fiscale disposera ainsi d'un très large pouvoir d'appréciation qui entrainera mécaniquement une hausse des notifications de rectifications et donc une saisine beaucoup plus fréquente du comité de l'abus de droit fiscal et des juridictions compétentes, lesquelles apprécieront souverainement le but principalement fiscal selon leur propres critères, parfois divergents.
Ainsi, quel sera l'avenir des donations avec réserve d'usufruit ? Le but fiscal (diminution de l'assiette de taxation) sera-il plus important que les buts non fiscaux (perception des revenus, droit réel sur la chose, droit d'usage...)
De même, le recours à la SCI pour la détention d'un patrimoine immobilier (dont les avantages civils et économiques ne sont plus à démontrer) sera-il de fait interdit eu égard aux risques de requalification encourus ?
Précisons que cette nouvelle approche de l'abus de droit ne s'appliquera qu'aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2016.
Notons que l'entrée en vigueur du nouveau régime de l'abus de droit, sera décalée aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2016 afin de se conformer aux exigences de sécurité juridique et d'affiner pendant deux projets de loi de finances les modalités de ce régime.